dimanche, juillet 20

Le net pousse t il les ados au suicide?

SOCIÉTÉ / Les suicides en réseau au Pays de Galles pris en exemple en Belgique
Le Net pousse-t-il les ados au suicide?
EDDY SURMONT
lundi 28 janvier 2008, 07:10
QUATRE GANTOIS de 16-17 ans auraient tenté de se suicider, après discussions en tchat. Le Net, vecteur de contagion ?

Les pactes suicidaires ? Ils représenteraient de 0,56 à 2,5 % des suicides, selon des études occidentales. © D.R.
TÉMOIGNAGE
Des jeunes qui sont mal dans leur peau, dans leur vie, dans leur âme. Ils en parlent, abondamment, avec d'autres adolescents, tout aussi chavirés, lors d'interminables sessions de tchat sur l'Internet. Au bout, ils ne voient qu'une solution pour échapper à leur souffrance de vivre : se suicider.
C'était le cas, au mois d'août 2006, à Enschede, aux Pays-Bas, lorsque douze adolescentes – elles avaient de 12 à 15 ans – se sont monté la tête en s'envoyant des messages au contenu sans équivoque :
– « Tu connais Sien ? Elle va se suicider ce soir. »
– « Tu le fais, je le fais aussi. »
– « Pourquoi t'oserais pas ? »
Résultat : deux suicides et quatre tentatives de suicide avant que l'affaire n'éclate au grand jour.
Un an plus tard, à Bridgend, au Pays de Galles. En quelques mois, six garçons et une fille, âgés entre 17 et 27 ans, sont morts par pendaison. Tous appartenaient au club de tchat Bebo. L'enquête de la police révèle six autres suicides dans ou autour de la même petite ville : tous des adolescents liés au même club de discussion on line. Les enquêteurs craignent dès lors un mouvement de suicide collectif. Un pacte suicidaire convenu lors de sessions de tchat…
Et ce week-end, Het Laatste Nieuws annonçait que, dans la région gantoise, quatre jeunes avaient tenté, eux aussi, de mettre fin à leurs jours, récemment, après en avoir discuté, entre eux, sur l'internet.
La mère de l'un d'eux, dentiste gantoise, nous raconte, sous le couvert de l'anonymat, que son fils, 17 ans, a déjà tenté le suicide à quatre reprises, par pendaison. Ses trois amis de tchat ont fait pareil. Tous adhéraient au circuit « emo » – prononcez « i-mo » –, culture de plus en plus en vogue auprès d'adolescents, fans d'une musique très émotive, normalement découlant du hard mais brassant de plus en plus large. Et, comme raillent beaucoup de ceux qui ne le sont pas : « Ils sont malheureux mais, contrairement à la plupart des autres malheureux, semblent aimer être malheureux. » (1)
« Dans leur esprit, se suicider était aussi banal que de changer de chemise, prétend la dentiste gantoise, qui dit ne pas comprendre. A 15 ans, notre fils était un enfant modèle. Il travaillait bien à l'école, il avait une amie du tonnerre, il avait bon cœur, il était doux et gentil. »
Puis, sans s'en rendre compte au début, la maman aurait vu le fils modèle se transformer en un garçon négligeant ses études, qui s'habillait de noir uniquement, qui n'écoutait plus que de la musique hardcore, qui faisait la tête à tout le monde et qui passait des heures derrière son ordinateur. « Son comportement nous inquiétait au plus haut degré. Mais quand nous avons essayé d'en parler avec lui, il se fermait comme une huître. Il devenait arrogant : “Fuck you ! J'ai le droit de décider moi-même comment je vis” était sa réaction parfois véhémente. »
Toujours selon notre interlocutrice, la situation se détériorait complètement quand son fils se sentait contrôlé. « Il s'automutilait, puis il a tenté de se suicider à deux reprises. Un suivi en psychiatrie n'a pas pu l'empêcher de tenter de mettre fin à sa vie deux nouvelles fois. Là, j'ai craqué. Je lui ai dit qu'il avait le choix : vraiment se suicider ou se faire soigner. »
Ayant opté pour la deuxième solution, un traitement psychologique sans médicaments, l'adolescent va mieux, tout en restant très fragile. Si ses parents avaient pensé dans un premier temps que le comportement inquiétant de leur fils était sa manière de demander de l'attention pour ses problèmes, il s'avère aujourd'hui, selon sa maman, que tel n'était nullement le cas. « Nous avons découvert très récemment que notre fils a été influencé par ses amis de tchat, et le circuit emo, sur internet en particulier. Via les parents de trois de ses amis que nous avons réussi à identifier, nous avons appris que pendant la même période, leurs enfants ont également tenté de se suicider. Heureusement tous ont échoué ! »
La maman pointe un doigt accusateur vers la Toile et les sessions de tchat qui ne sont pas toujours si innocentes qu'elles ne paraissent : « Ne laissez pas vos enfants pendant des heures seuls à tchatter. Observez le moindre changement de comportement avant qu'il ne soit trop tard ! »
Le docteur Roger De Berdt, psychiatre juridique, sommité dans les prétoires en Flandre, précise : « Sans pour autant regarder par-dessus son épaule, obligez votre enfant à tchatter dans un endroit où il est entouré d'autres personnes. Ça évitera déjà qu'ils pensent pouvoir dire n'importe quoi sur la Toile, et de se laisser influencer jusqu'à ce que mort s'ensuive. »

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