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La jurisprudence sur l'application de la loi


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Accueil > Publications de la Cour > Bulletin d’information de la Cour de cassation > Bulletins d’information 2006 > Bulletin d’information n° 649 du 01/11/2006
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Bulletin d'information n° 649 du 01/11/2006
COMMUNIQUÉ
COMMUNICATIONS
JURISPRUDENCE
DOCTRINE
> Hommage à Jean Buffet
> Fiche méthodologique - Incidents d'instance
> Fiche méthodologique pénale
> Droit de la presse diffamation et injure
COMMUNICATIONS
Droit de la presse diffamation et injure
POINTS ESSENTIELS
Les dispositions relatives à la loi du 29 juillet 1881 ont été conçues comme un parcours d'obstacles de fond et de forme destinés à garantir la liberté de la presse.
L'attention doit spécialement se porter sur les éléments suivants :
I - L'acte initial des poursuites fixe irrévocablement la nature, l'étendue et l'objet de celles-ci. L'auteur principal de l'infraction est celui qui agit pour la diffusion des propos susceptibles de caractériser l'élément de publication. Les citations doivent respecter des conditions particulières.
II - La responsabilité pénale des personnes morales
L'article 43-1 ajouté à la loi du 29 juillet 1881 par la loi du 9 mars 2004 dispose que l'article 121-2 du code pénal relatif à la responsabilité pénale des personnes morales ne concerne pas les infractions pour lesquelles les dispositions des articles 42 et 43 de la loi sur la liberté de la presse (responsabilité en cascade) sont applicables.
III - La qualification
Les champs d'application de la diffamation et de l'injure doivent être nettement distingués, et ce d'autant que le changement de qualification est, par principe, prohibé.
Cette interdiction de requalifier a vocation à s'appliquer aux différentes infractions en matière de presse. Est également interdit le passage d'une infraction de droit commun à une infraction de presse, mais non l'inverse (Crim., 24 janvier 1996, Bull. crim. 1996, n° 37, pourvoi n° 66-91.168 ; Crim., 25 septembre 1991, Bull. crim. 1991, n° 319, pourvoi n° 90-83.140).
Sont cependant autorisés les changements de qualification d'auteur principal de l'infraction ou de complice, et les changements de qualification découlant de la publicité ou de l'absence de publicité.
IV - La courte prescription
L'action publique et l'action civile se prescrivent par trois mois révolus (article 65 de la loi). La loi du 9 mars 2004 a porté à un an le délai de prescription de l'action publique pour les seuls délits énumérés aux articles 24, alinéa 8, 24 bis, 32, alinéa 2, et 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 (article 65-3 de la loi).
V - La justification des propos diffamatoires
La loi sur la liberté de la presse a créé un fait justificatif spécifique : la vérité du fait diffamatoire (article 35 de la loi). Les conditions extrêmement étroites de ce fait justificatif ont conduit la jurisprudence à en créer un second : la bonne foi.
Quatre critères sont nécessaires pour bénéficier de la bonne foi : la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, l'existence d'une enquête sérieuse et la prudence ou la mesure dans l'expression.
VI - Le contrôle de la Cour de cassation
Il s'opère sur la portée et l'interprétation des écrits incriminés, mais non sur les éléments extrinsèques aux propos incriminés.
Article 29 de la loi du 29 juillet 1881 : Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation...Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.
Article R. 621-1 du code pénal : La diffamation non publique envers une personne est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la première classe. La vérité des faits diffamatoires peut être établie conformément aux dispositions relatives à la liberté de la presse.
Article R. 621-2 du code pénal : L'injure non publique envers une personne, lorsqu'elle n'a pas été précédée de provocation, est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la première classe.

DÉFINITIONS
LA DIFFAMATION
La chambre criminelle utilise la formule : "L'allégation ou l'imputation d'un fait précis et déterminé, portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, entre dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative, ou par voie d'insinuation" (Crim., 30 mai 1996, Bull. crim. 1996, n° 228, pourvoi n° 94-82.114).
Cette approche extensive permet de sanctionner les diffamations par l'image (dessin ou photographie : Crim., 16 décembre 1986, Bull. crim. 1986, n° 374, pourvoi n° 85-96.064).
L'exposé d'un fait
L'imputation d'un fait précis et déterminé permet de faire la différence entre la diffamation et l'injure. Pour distinguer la diffamation, il convient de se demander si la preuve de la vérité du propos peut être rapportée et si elle est susceptible de faire l'objet d'un débat contradictoire.
L'interprétation des juges du fond quant à la nature des propos incriminés est soumise au contrôle de la Cour de cassation (Crim., 16 décembre 1986, Bull. crim. 1986, n° 374, pourvoi n° 85-96.064).
La chambre criminelle a longtemps estimé que le prévenu qui avait spontanément demandé à faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires ne pouvait ensuite soutenir que les termes incriminés ne seraient pas diffamatoires, faute de contenir l'imputation de faits précis susceptibles de preuve.
Cette jurisprudence est aujourd'hui abandonnée (Crim., 2 septembre 2003, Bull. crim. 2003, n° 150, pourvoi n° 03-80.349).
L'exposé d'un fait de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération
On a pu dire que l'honneur était une donnée personnelle ("l'oeil de la conscience"), et la considération, le regard du corps social.
S'il s'agit de notions différentes, elles sont appréciées de la même façon, in abstracto, et non in concreto. En effet, pour déterminer si l'allégation ou l'imputation d'un fait porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé, les juges n'ont pas à rechercher quelles peuvent être les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, s'agissant de la notion de l'honneur ou de la considération (Crim., 2 juillet 1975, Bull. crim. 1975, n° 174, pourvoi n° 74-91.717).
Les propos ne doivent pas être pris isolément, mais interprétés les uns par rapport aux autres (Crim., 21 février 1984, Bull. crim. 1984, n° 65, pourvoi n° 83-91.539), et replacés dans leur contexte (Crim.,18 octobre 1994, pourvoi n° 92-84.994).
La diffamation peut ainsi être établie à partir de deux sortes d'éléments, les éléments intrinsèques (termes relevés dans l'acte de poursuite) et les éléments extrinsèques, laissés à l'appréciation des juges du fond (Crim., 6 décembre 1994, pourvoi n° 92-86.239 : passages non visés de l'article, articles précédents ou suivants... ; Crim., 15 octobre 1985, Bull. crim. 1985, n° 314, pourvoi n° 84-91.598).
Le contrôle de la Cour de cassation s'étend, en ce qui concerne les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881, à la portée et à l'interprétation des écrits incriminés. Il en résulte que, s'il appartient aux juges du fond de déclarer, d'après les circonstances de la cause, quelle est la personne diffamée, cette appréciation n'est souveraine que dans la mesure où elle se fonde sur des éléments de fait extrinsèques à l'écrit incriminé (Crim., 12 octobre 1976, Bull. crim. 1976, n° 287, pourvoi n° 75-90.239).
Un fait imputé à une personne ou un corps
La diffamation peut atteindre une personne physique ou morale (Crim., 12 octobre 1976, Bull. crim. 1976, n° 287, pourvoi n° 75-90.239). Il suffit que la personne soit identifiable (par les termes du discours ou de l'écrit ou par des circonstances extrinsèques qui éclairent ou confirment cette désignation de manière à la rendre évidente), même sans être nommée (Crim., 15 octobre 1985, Bull. crim. 1985, n° 315, pourvoi n° 84-92.819).
S'agissant des groupements sans personnalité morale, la question est plus délicate. Pour être recevable, l'action de ses membres suppose qu'ils soient identifiables (pour les chirurgiens appartenant à une même équipe, Crim., 6 décembre 1994, pourvoi n° 92-86.239, précité).
La mauvaise foi
Aux termes d'une formule quasiment rituelle, "les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec l'intention de nuire (Crim., 7 novembre 1989, Bull. crim. 1989, n° 403, pourvoi n° 86-90.811). Cette présomption ne peut disparaître qu'en présence de faits justificatifs de nature à faire admettre la bonne foi (Crim., 7 novembre 1989, Bull. crim. 1989, n° 403, pourvoi n° 86-90.811, précité).
Le principe selon lequel l'intention de nuire est attachée de plein droit aux imputations diffamatoires n'est pas incompatible avec les articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, lesquelles ne font pas obstacle aux présomptions de droit ou de fait en matière pénale, dès lors qu'il est possible d'apporter la preuve contraire et que les droits de la défense sont assurés (Crim., 25 novembre 2003, pourvoi n° 03-83.219).

L'INJURE
Selon l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, il s'agit des expressions outrageantes, termes de mépris ou invectives.
Le législateur de 1881 a eu une conception très large de l'injure, pouvant aller de la simple indélicatesse aux termes les plus orduriers, dès lors que la dignité de la personne visée s'en trouve affectée.
Le propos injurieux doit présenter un caractère offensant, sachant que ce caractère s'apprécie, comme en matière diffamatoire, de manière objective.
Il ne doit comporter l'imputation d'aucun fait.
Est ainsi injurieux le texte qui se borne à imputer à la partie civile, sans aucune indication de temps ni de lieu, de s'être livrée, envers des personnes non dénommées, à des agissements comparables à ceux de certains délinquants de droit commun (Crim., 6 mars 1974, Bull. crim. 1974, n° 96, pourvoi n° 73-92.256).
Si un texte contient à la fois des imputations diffamatoires et injurieuses détachables les unes des autres, une double déclaration de culpabilité est justifiée, lorsqu'il résulte du contexte que les termes injurieux ne se réfèrent nullement aux faits visés par les imputations diffamatoires (Crim., 22 février 1966, Bull. crim. 1966, n° 62, pourvoi n° 65-90.518). Il conviendra de distinguer ce principe de l'épineuse question des qualifications cumulatives pour un même fait, qui sont prohibées dès lors qu'elles empêchent la personne poursuivie de préparer utilement sa défense (jurisprudence constante).
Dans le cas où les propos injurieux et diffamatoires s'avèrent indivisibles, le délit d'injure est absorbé par celui de la diffamation (Crim., 24 janvier 1995, Bull. crim. 1995, n° 33, pourvoi n° 93-84.701). Pour qu'il y ait indivisibilité, il ne suffit pas que plusieurs actes aient été inspirés par le même mobile. Il faut, de plus, que ces actes soient rattachés les uns aux autres par un lien tellement intime que l'existence des uns ne puisse pas se comprendre sans l'existence des autres.
La victime doit être déterminée ou du moins déterminable. Lorsque l'injure vise un groupe de personnes restreint, chaque membre de ce groupe atteint par l'injure dispose d'un droit individuel à demander réparation du préjudice qui lui a été causé (Crim.,12 septembre 2000, pourvoi n° 99-82.281). Mais il est nécessaire que ces propos atteignent des personnes déterminées et non, par exemple, une profession dans son ensemble (Crim., 5 mai 1964, Bull. crim. 1964, n° 146, pourvoi n° 61-92.126).

LES PARTICULARITÉS DE LA POURSUITE
L'ENGAGEMENT DES POURSUITES
Les personnes concernées
* La personne poursuivante
L'article 47 de la loi du 29 juillet 1881 pose un principe : "La poursuite des délits et contraventions de simple police commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication aura lieu d'office et à la requête du ministère public". La portée de cette règle est atténuée par l'exigence, dans la plupart des cas, d'une plainte préalable de la victime.
Les particularités de l'exercice des poursuites sont définies à l'article 48 de la loi.
Si la victime paraît privée par l'article 47 susvisé du droit de provoquer la mise en mouvement de l'action publique dont elle bénéficie en droit commun, ce principe connaît des exceptions définies aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° de l'article 48 (et aux articles 13 et 39 quinquies de la loi), qui mentionnent en particulier les cas de diffamation et d'injure envers les particuliers. Hormis ces exceptions, l'action directement exercée par la victime est affectée d'une nullité d'ordre public. Néanmoins, la victime a toujours la possibilité de joindre son action civile à l'action publique déjà engagée par l'autorité de poursuite (Crim., 3 mars 1980, Bull. crim. 1980, n° 74, pourvoi n° 78-91.949).
L'accès au prétoire a également été largement ouvert aux associations, pour des infractions définies (articles 48-1, 48-2, 48-3, 48-4, 48-5 et 48-6 de la loi).
En matière de diffamation, l'acte initial des poursuites fixe irrévocablement la nature, l'étendue et l'objet de celles-ci. Il s'en déduit qu'aucune personne ne saurait être admise à intervenir comme partie civile dans une procédure déjà engagée sur la plainte ou à la requête d'une autre (Crim., 22 mai 1990, Bull. crim. 1990, n° 211, pourvoi n° 87-81.387).
* La personne poursuivie
L'article 43-1 ajouté à la loi du 29 juillet 1881 par la loi du 9 mars 2004 dispose que l'article 121-2 du code pénal relatif à la responsabilité pénale des personnes morales ne concerne pas les infractions pour lesquelles les dispositions des articles 42 et 43 de la loi sur la liberté de la presse sont applicables.
L'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 énumère les responsables possibles en prenant essentiellement en compte leur rôle dans la diffusion des propos susceptibles de constituer une infraction de publication. On parle ici de responsabilité en cascade, dans la mesure où ces différents responsables sont classés par ordre de priorité, la responsabilité de l'un ne pouvant être engagée qu'en cas de défaillance de celui qui le précède.
L'auteur naturel de l'infraction est celui qui assume la décision de laisser paraître ou diffuser le propos litigieux. La responsabilité pèse ainsi sur le directeur de la publication (dont la désignation est obligatoire dans toute entreprise de presse ou de service de communication audiovisuelle) ou l'éditeur. Ce n'est qu'en l'absence d'éditeur ou de directeur de la publication que la responsabilité des intervenants suivants peut être recherchée.
La loi n'accorde aucune faculté de choix à la partie poursuivante. Ni le ministère public ni la personne lésée ne peuvent négliger le directeur de publication ou l'éditeur et, si cette mise en cause n'a pas été faite, attribuer à l'auteur de l'écrit poursuivi la qualité d'auteur principal de l'infraction.
S'agissant de l'auteur des propos, la loi du 29 juillet 1881 permet d'engager sa responsabilité en tant que complice, lorsque le directeur de publication ou l'éditeur est poursuivi à titre principal (article 43). Les autres participants à l'infraction ne peuvent être poursuivis comme complices que dans les conditions du droit commun, ce qui suppose la démonstration à leur encontre de l'existence d'un des faits personnels énumérés à l'article 121-7 du code pénal (Crim., 19 mars 1991, Bull. crim. 1991, n° 132, pourvoi n° 90-81.621).

LA PRESCRIPTION
Aux termes de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, "l'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite, s'il en a été fait".
Le délai de prescription est de trois mois (la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 a cependant porté à un an le délai de prescription de l'action publique pour les délits particuliers prévus par les articles 24, alinéa 8, 24 bis, 32, alinéa 2, et 33, alinéa 3, de la loi sur la liberté de presse (cf. article 65-3 de cette dernière loi).
Ce délai commence à courir au moment où le texte litigieux a été rendu public, peu important qu'il s'agisse d'une publication nouvelle ou d'une réimpression. Le terme se calcule de date à date. Il ne s'agit pas d'un délai franc. Le délai part le lendemain de la publication et s'achève le dernier jour à minuit. Ainsi, pour un fait commis le 13 décembre, le délai commence à courir le 14 décembre et la prescription est acquise le 13 mars à minuit (Crim., 8 juin 1999, pourvoi n° 98-84.432 ; 2e Civ., 5 février 2004, Bull. 2004, II, n° 43, pourvoi n° 02-14.217).
Lorsque la date de publication est mentionnée sur le périodique lui-même, il en découle une présomption de publication à cette date. Et lorsque ce n'est pas une date mais une période qui est indiquée, la publication est réputée être intervenue le premier jour de cette période, sauf preuve de la date réelle de la mise de l'écrit à la disposition du public. Il appartient à la partie qui entend voir fixer le point de départ de la prescription à compter de la publication effective d'établir cette date (Crim., 19 mai 1998, Bull. crim. 1998, n° 173, pourvoi n° 97-80.947).
Lorsque des poursuites sont engagées en raison de la diffusion, sur le réseau internet, d'un message figurant sur un site, le point de départ du délai de prescription de l'action publique prévu par l'article 65 doit être fixé à la date du premier acte de publication. Cette date est celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau (Crim., 16 octobre 2001, Bull. crim. 2001, n° 210, pourvoi n° 00-85.728).
La loi du 4 janvier 1993, pour permettre de restaurer l'innocence des personnes trop rapidement mises en cause dans les médias, a réouvert le délai pour agir en matière d'infractions de presse. L'article 65-2 de la loi du 29 juillet 1881 dispose qu'"en cas d'imputation portant sur un fait susceptible de revêtir une qualification pénale, le délai de prescription prévu par l'article 65 est réouvert ou court à nouveau au profit de la personne visée, à compter du jour où est devenue définitive une décision pénale intervenue sur ces faits et ne la mettant pas en cause".
L'interruption de la prescription
Un nouveau délai commence à courir à compter du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait. L'alinéa 2 de l'article 65 précise qu'avant l'engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d'enquête sont interruptives de prescription. Ces réquisitions doivent, à peine de nullité, articuler le fait et qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l'enquête est ordonnée (pour un cas d'application, voir Crim., 30 octobre 2001, Bull. crim. 2001, n° 225, pourvoi n° 00-87.818).
Ont essentiellement un effet interruptif de prescription la citation directe, le réquisitoire introductif et la plainte avec constitution de partie civile, si ces actes sont conformes aux exigences des articles 50 et 53 de la loi sur la liberté de la presse. S'agissant de la plainte avec constitution de partie civile, la prescription n'est interrompue à la date de son dépôt que si la consignation prévue à l'article 88 du code de procédure pénale a été versée dans le délai imparti (Crim., 18 décembre1990, Bull. crim. 1990, n° 441, pourvoi n° 87-82.208).
Après saisine de la juridiction de jugement, il appartient à la victime d'accomplir tout acte réaffirmant son intention de poursuivre. L'obligation de surveiller la procédure, qui incombe à la partie poursuivante, n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (Crim., 21 mars 1995, Bull. crim. 1995, n° 115, pourvoi n° 93-81.642).
Les actes interruptifs de prescription, s'ils sont accomplis, produisent effet à l'égard de tous.
La suspension de la prescription
La suspension de la prescription a été appliquée par la chambre criminelle en vertu de la maxime "contra non valentem agere non currit praescriptio". La prescription est suspendue si un obstacle de droit résultant de la loi elle-même ou tenant à l'ordre public prive les parties de leur droit d'agir pour faire juger l'affaire (Crim., 02 décembre 1986, Bull. crim. 1986, n° 364, pourvoi n° 86-91.698 ; Ass. plén., 23 décembre 1999, Bull. 1999, Ass. plén., n° 9, et Bull. crim. 1999, n° 312, pourvoi n° 99-86.298). Il convient de retenir toutefois qu'en cas d'inaction du ministère public, il appartient à la partie civile de citer le prévenu à l'une des audiences de la juridiction saisie pour interrompre la prescription et que, faute pour la partie civile d'avoir usé de ce droit, aucune prétendue suspension de la prescription de l'action publique ne saurait être invoquée (Crim., 02 décembre 1986, Bull. crim. 1986, n° 364, pourvoi n° 86-91.698, précité).
La prescription acquise constitue une exception péremptoire et d'ordre public. Elle doit être relevée d'office par la juridiction d'instruction ou de jugement.
L'exception de prescription ne peut être opposée pour la première fois devant la Cour de cassation que si cette Cour trouve dans les constatations des juges du fond les moyens nécessaires pour en apprécier la valeur (Crim., 21 avril 1980, Bull. crim. 1980, n° 113, pourvoi n° 78-93.421).

LES EXIGENCES DES ACTES DE POURSUITE
Les mentions obligatoires
Elles sont définies par les articles 50 (ouverture d'une information requise par le ministère public) et 53 (citation) de la loi. Ces textes exigent la présence d'un certain nombre de mentions spécifiques. L'acte doit articuler et qualifier les propos litigieux, et indiquer le texte de loi applicable aux poursuites.
Si un même propos est susceptible de revêtir deux qualifications, celles-ci peuvent être retenues si les deux qualifications ne sont pas inconciliables entre elles (par exemple : provocation à la discrimination, à la haine et à la violence raciale et injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une race déterminée, Crim., 24 novembre 1987, Bull. crim. 1987, n° 428, pourvoi n° 87-81.379 ; Crim., 19 mars 1996, Bull. crim. 1996, n° 117, pourvoi n° 94-81.420). La chambre criminelle distingue l'atteinte à des intérêts protégés différents pour justifier la double déclaration de culpabilité.
Mais ces cas restent rares, les cumuls de qualification étant, dans une très large part, prohibés.
La poursuite doit porter l'indication du texte édictant la peine (Crim., 15 janvier 1998, Bull. crim. 1998, n° 21, pourvoi n° 96-84.832). Lorsque la peine est définie par référence à un article concernant une autre infraction, il n'est pas indispensable que la disposition prévoyant finalement la peine soit visée, si le renvoi est suffisamment explicite (Crim., 06 mai 1986, Bull. crim. 1986, n° 154, pourvoi n° 85-94.196).
Lorsque la citation a correctement articulé et qualifié les propos incriminés, le visa surabondant, quoique erroné, d'un texte de loi applicable à la poursuite ne saurait entraîner la nullité de ladite citation si le prévenu n'a pu être induit en erreur sur l'objet exact de la prévention et sur la peine qui réprime les faits incriminés (Crim., 15 juin 1984, Bull. crim. 1984, n° 227, pourvoi n° 83-92.495).
Aucune autre mention que celles requises par les articles 50 et 53 ne s'impose à peine de nullité, en application de la loi sur la liberté de la presse, particulièrement en ce qui concerne la participation à l'infraction en qualité d'auteur ou de complice (Crim., 11 mai 1971, Bull. crim. 1971, n° 147, pourvoi n° 69-93.401). Il suffit que l'acte indique exactement aux prévenus les faits et infractions qui lui sont reprochés et le mette en mesure de préparer utilement sa défense (Crim., 20 janvier 1987, Bull. crim. 1987, n° 30, pourvoi n° 84-94.444).
Les exigences propres à la citation de la partie civile
En droit commun, la citation directe délivrée à l'initiative de la partie civile est identique à celle que le ministère public peut faire délivrer, sous réserve des demandes de réparations et d'une élection de domicile si la victime ne réside pas dans le ressort du tribunal saisi (article 392 du code de procédure pénale).
En matière d'infraction de presse, à peine de nullité de la poursuite, l'élection de domicile, obligatoire en toute hypothèse si la citation est faite à la requête du plaignant, doit se faire dans la ville où siège la juridiction saisie (article 53), dans le but de permettre la signification de l'offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires (et au demeurant, même si cette preuve est impossible...), et de surcroît, la partie civile est tenue de "notifier" (en fait, signifier) au ministère public une copie de la citation qu'elle a fait délivrer au prévenu.
Pour ce qui est de l'élection de domicile, la chambre criminelle a jugé qu'il ne pouvait être fait élection de domicile au greffe du tribunal de grande instance, service intégré d'une juridiction, elle-même dépourvue de la personnalité morale (Crim., 14 mars 2006, pourvoi n° 05-87.303, en cours de publication). De même, a-t-il été jugé (Crim., 7 juin 2005, Bull. crim. 2005, n° 172, pourvoi n° 04-87.073) que ne satisfait pas aux prescriptions de l'article 53, à défaut d'indication d'une adresse précise, la citation délivrée du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale à la requête d'une partie civile qui, déclarant faire élection de domicile auprès d'un cabinet d'avocats, se borne à mentionner les références de la boîte postale dudit cabinet (sur cette question Crim., 17 décembre 1991, Bull. crim. 1991, n° 484, pourvoi n° 90-84.768).
En ce qui concerne la citation du prévenu, les règles ne sont pas les mêmes selon qu'il s'agit du directeur de la publication ou des autres personnes dont la responsabilité peut être recherchée.
La jurisprudence admet qu'un directeur de la publication, censé surveiller le contenu de son journal, peut être cité au siège de l'entreprise éditrice, par dérogation aux articles 555 et suivants du code de procédure pénale (Crim., 21 janvier 1997, Bull. crim. 1997, n° 20, pourvoi n° 94-84.919 et les arrêts cités), pour les écrits ou images publiés par l'organe de presse dont il est responsable (Crim., 29 septembre 1992, Bull. crim. 1992, n° 291, pourvoi n° 92-80.861 ; Crim., 7 avril 1994, Bull. crim. 1994, n° 143, pourvoi n° 92-82.890 ; Crim., 11 décembre 2001, Bull. crim. 2001, n° 264, pourvoi n° 00-83.838). Cette faculté n'empêche pas l'application des règles de droit commun en matière de citation (Crim., 7 juin 2005, pourvoi n° 03-88.038).

LA JURIDICTION DE JUGEMENT
Dans le silence de la loi du 29 juillet 1881, la compétence territoriale est déterminée conformément au droit commun (articles 382 et 383 du code de procédure pénale).
Selon une jurisprudence solidement établie, dès lors qu'en matière de presse, c'est la publication de l'écrit qui constitue le délit, la poursuite peut être portée devant tout tribunal dans le ressort duquel l'écrit a été publié.
Les demandes peuvent être présentées devant les juridictions répressives ou civiles, sauf dans deux cas précis :
- l'article 46 de la loi dispose que l'action civile résultant des délits de diffamation prévus et punis par les articles 30 et 31 ne pourra, sauf dans les cas de décès de l'auteur du fait incriminé ou d'amnistie, être poursuivie séparément de l'action publique. Mais le juge civil statuant en référé peut prendre, conformément à l'article 809, alinéa premier, du nouveau code de procédure civile, les mesures qui s'imposent pour faire cesser le trouble manifestement illicite qui résulterait des faits incriminés (2e Civ., 27 janvier 1993, Bull. 1993, II, n° 32, pourvois nos 91-17.042 et 91-15.451) ;
- la chambre mixte de la Cour de cassation a jugé que la victime ayant cité l'auteur d'une infraction de publication ou son complice devant le tribunal correctionnel a épuisé son droit d'agir et ne peut ensuite assigner les autres participants à cette infraction devant une juridiction civile (Ch. mixte, 03 juin 1998, Bull. 1998, Ch. mixte, n° 3, pourvoi n° 94-12.886).

LE JUGEMENT
L'APPRÉCIATION DE LA VALIDITÉ DE LA POURSUITE
* Lorsque l'action publique a été déclenchée par une plainte avec constitution de partie civile, les exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ne s'appliquent qu'à ce premier acte, qui fixe irrévocablement l'objet et la nature des poursuites ainsi que les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre (Crim., 22 décembre 1987, Bull. crim. 1987, n° 483, pourvoi n° 87-84.868).
Lorsque la plainte avec constitution de partie civile est régulière, peu importe le non-respect de l'article 50 par les actes ultérieurs (Crim., 24 novembre 1992, Bull. crim. 1992, n° 386, pourvoi n° 90-87.777).
Si la plainte est irrégulière, elle peut être validée par le réquisitoire introductif, à la double condition qu'il soit lui-même conforme aux prescriptions de l'article 50 de la loi et qu'il soit intervenu dans le délai de la prescription que la plainte entachée de nullité n'a pas interrompue (Crim., 22 janvier 1985, Bull. crim. 1985, n° 34, pourvoi n° 84-90.908).
La plainte avec constitution de partie civile et le réquisitoire aux fins d'informer, qui ne respectent pas l'exigence d'articulation et de qualification des faits ou qui ne comportent pas le visa du texte édictant la peine, sont frappés d'une nullité d'ordre public (Crim., 23 juin 1987, Bull. crim. 1987, n° 260, pourvoi n° 84-94.322).
Selon les articles 179 et 385 du code de procédure pénale, lorsque la juridiction correctionnelle est saisie par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, les parties sont irrecevables à soulever des exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure. Il n'en est autrement, en matière de presse, que lorsqu'est invoquée la méconnaissance des prescriptions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 (Crim., 16 novembre 1999, Bull. crim. 1999, n° 261, pourvoi n° 99-82.900 ; Crim., 24 septembre 2002, Bull. crim. 2002, n° 174, pourvois nos 01-88.674 et 01-88.597). Il s'ensuit que le prévenu renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance du juge d'instruction est irrecevable à invoquer, devant le tribunal, l'irrégularité des réquisitions d'enquête délivrées par le ministère public en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 (Crim., 16 septembre 2003, Bull. crim. 2003, n° 162, pourvois nos 02-84.554, 01-83.162 et 02-85.001).
En présence d'une qualification irrégulièrement substituée par l'ordonnance de renvoi à la qualification retenue par l'acte initial de poursuite, les juges du fond ne peuvent s'arrêter à la nullité partielle de ladite ordonnance, mais doivent statuer sur la prévention, telle qu'elle résulte de l'acte introductif (Crim., 24 novembre 1992, Bull. crim. 1992, n° 386, pourvoi n° 90-87.777).
* S'agissant de la citation directe, l'article 53 de la loi indique qu'elle doit préciser le fait incriminé et indiquer le texte de loi applicable à la poursuite, ces formalités devant être respectées sous peine de nullité de la poursuite.
Ces exigences concernent l'exploit introductif d'instance, et non les citations ultérieures qui demeurent régies par le droit commun (Crim., 6 juin 1990, Bull. crim. 1990, n° 229, pourvoi n° 88-81.579 ; Crim., 14 octobre 2003, pourvoi n° 02-87.994). Il en est de même de la citation à comparaître devant la cour d'appel, qui est simplement indicative de date (Crim., 9 janvier 1996, Bull. crim. 1996, n° 8, pourvoi n° 93-85.636).
Le formalisme imposé par les articles 50 et 53 conduit à une quasi irrévocabilité de la saisine initiale.

LA VÉRITÉ DES PROPOS DIFFAMATOIRES (exceptio veritatis)
L'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 a instauré un fait justificatif soumis à des exigences de forme particulières : la publication ne constitue pas un délit pénal, ni une faute civile, lorsqu'il s'avère que l'imputation diffamatoire est exacte.
Les deux premiers alinéas de l'article 35, maintenus dans leurs dispositions essentielles d'origine, sont ainsi rédigés : "La vérité du fait diffamatoire, mais seulement quand il est relatif aux fonctions, pourra être établie par les voies ordinaires, dans les cas d'imputation contre les corps constitués, les armées de terre, de mer ou de l'air, les administrations publiques et contre toutes les personnes énumérées dans l'article 31. La vérité des imputations diffamatoires et injurieuses pourra être également établie contre les directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière, faisant publiquement appel à l'épargne ou au crédit".
Le reste de l'article se résume ainsi : la vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée sauf lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne, ou si elle se réfère à des faits remontant à plus de dix années, ou bien si elle a trait à une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision. Les deux premières restrictions ne s'appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur (loi n° 98-468 du 17 juin 1998).
Le dernier alinéa de l'article 35, qui, pour être compris, doit d'abord être directement attaché aux deux premiers alinéas "historiques" de l'article, dispose que : "Dans toute autre circonstance et envers toute autre personne non qualifiée, lorsque le fait imputé est l'objet de poursuites commencées à la requête du ministère public, ou d'une plainte de la part du prévenu, il sera, durant l'instruction qui devra avoir lieu, sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation".
Ce texte signifie que, dans les hypothèses où la preuve de la vérité n'est pas admise (Crim., 10 décembre 1985, Bull. crim. 1985, n° 397, pourvoi n° 85-90.413 ; Crim., 22 mai 1990, Bull. crim. 1990, n° 212, pourvoi n° 87-85.399) mais risque d'apparaître du fait des poursuites engagées en raison du fait dénoncé, le juge de la diffamation doit surseoir à statuer.
Le sursis à statuer n'est obligatoire que lorsque la preuve de la vérité des faits diffamatoires n'est pas autorisée. En dehors de ce cas, il est facultatif et la juridiction de jugement apprécie librement s'il y a lieu d'ordonner le sursis à statuer prévu par le dernier alinéa de l'article 35 de la loi sur la liberté de la presse, même si elle n'est pas saisie de conclusions à cette fin par les parties (Crim., 20 janvier 1981, Bull. crim. 1981, n° 29, pourvoi n° 79-94.252 ; Crim., 23 mai 1989, Bull. crim. 1989, n° 215, pourvoi n° 85-91.226). Il est toutefois admis que le sursis s'impose "lorsqu'un témoin, inculpé dans une autre procédure, se trouve appelé à déposer sous la foi du serment en application de l'article 55 de la loi et que les faits diffamatoires sont en rapport étroit avec ceux qui ont motivé son inculpation (Crim., 18 décembre 1978, Bull. crim. 1978, n° 358, pourvoi n° 78-92.994)".
Le sursis à statuer, obligatoire ou facultatif, étant lié à la procédure d'offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires réservée à la juridiction de jugement, ne saurait être ordonné par une juridiction d'instruction (Crim., 25 février 1986, Bull. crim. 1986, n° 74, pourvoi n° 85-91.167).
Si seule la juridiction de jugement est compétente pour connaître de l'exceptio veritatis, elle ne peut d'office rechercher cette preuve. La juridiction ne peut statuer qu'au regard du contenu de l'article, des éléments proposés en preuve et en contre-preuve. Les juges n'ont pas le pouvoir de compléter ou de parfaire l'établissement de la preuve de la vérité des faits que la loi laisse à la seule initiative des personnes poursuivies en même temps qu'elle en règle les conditions d'admissibilité et d'administration (Crim., 21 novembre 1989, Bull. crim. 1989, n° 431, pourvoi n° 89-81.524).
La procédure de l'offre de preuve dont dispose le prévenu est définie par les articles 55 et 56 de la loi.
Ces textes fixent des délais qui ne sont pas applicables en cas de diffamation ou d'injure en période électorale (article 54 de la loi).
Selon l'article 55, le prévenu "devra, dans les dix jours après la signification de la citation, faire signifier au ministère public ou au plaignant au domicile par lui élu, suivant qu'il a été assigné à la requête de l'un ou par l'autre, les faits articulés et qualifiés de la citation dont il entend prouver la vérité, la copie des pièces, les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve. Cette signification doit contenir élection de domicile près le tribunal correctionnel, le tout à peine d'être déchu du droit de faire la preuve". Les écrits et témoignages prévus par ce texte doivent, quelle que soit leur date, porter sur des faits antérieurs à la perpétration de la diffamation (Crim., 22 mai 1997, Bull. crim. 1997, n° 200, pourvoi n° 94-84.106).
L'article 56 impose un formalisme comparable pour la preuve contraire.
Ces textes prévoient donc l'observation de règles strictes qui s'analysent comme des formalités substantielles devant être respectées à peine de déchéance.
Cette déchéance, d'ordre public, doit être relevée d'office par les juges (Crim., 29 novembre 1994, Bull. crim. 1994, n° 383, pourvoi n° 93-83.452).
Pour produire son effet, la preuve doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations formulées tant dans leur matérialité que dans leur portée (Crim., 22 mai 1997, Bull. crim. 1997, n° 200, pourvoi n° 94-84.106, précité ; Crim., 14 juin 2000, Bull. crim. 2000, n° 225, pourvoi n° 99-85.528).

LES REQUALIFICATIONS
Il est jugé que les juridictions du fond doivent apprécier l'infraction sous le rapport de la qualification telle que précisée par la citation et par application de l'article de loi qui y a été indiqué (Crim., 16 avril 1985, Bull. crim. 1985, n° 141, pourvoi n° 99-90.169). Il s'en déduit qu'au cas où il résulte des débats que les faits auraient dû recevoir une autre qualification que celle visée dans la prévention, les juges ne peuvent que prononcer la relaxe du prévenu (Crim., 7 avril 1994, Bull. crim. 1994, n° 142, pourvoi 91-86.115) ou un non-lieu au stade de l'instruction (Crim., 6 novembre 1984, Bull. crim. 1984, n° 338, pourvoi n° 83-90.249).
Il n'est pas possible de requalifier les infractions de presse entre elles, sauf lorsque la notion de publicité est en cause (Crim., 15 juin 1984, Bull. crim. 1984, n° 227, pourvoi n° 83-92.495 ; Crim., 12 septembre 2000, pourvoi n° 99-86.650), et de substituer à une qualification de droit commun une qualification issue de la loi du 29 juillet 1881. En revanche, les juges retrouvent leurs pouvoirs pour requalifier une infraction de publication en une infraction de droit commun, mais à condition de n'introduire dans la poursuite aucun fait nouveau (Crim., 25 septembre 1991, Bull. crim. 1991, n° 319, pourvoi 90-83.140).

L'APPRÉCIATION DES MODALITÉS
DE LA PARTICIPATION À L'INFRACTION
Les juges peuvent apprécier la modalité de la participation du prévenu à l'infraction en qualité d'auteur principal ou de complice (Crim., 2 décembre1980, Bull. crim. 1980, n° 328, pourvoi n° 79-92.374 ; Crim., 20 janvier 1981, Bull. crim. 1981, n° 29, pourvoi n° 79-94.252).
Jusqu'à ce jour, la chambre criminelle ne censure pas les décisions des juges du fond condamnant un prévenu en tant qu'auteur principal alors qu'en réalité il est un complice au sens de la loi sur la liberté de la presse. Ainsi, dans une décision du 19 mars 1991 (Crim., 19 mars 1991, Bull. crim. 1991, n° 132, pourvoi n° 90-81.621), la chambre criminelle a-t-elle jugé : "Constitue un acte de complicité la participation matérielle et intentionnelle à la publication incriminée par fourniture de moyens sachant que ceux-ci devaient y servir dans les termes de l'article 60 du code pénal, lequel, loin d'être écarté par les dispositions des articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, est au contraire expressément visé par ce dernier texte. Il n'importe que le prévenu ait été condamné comme auteur principal, dès lors qu'il encourt les mêmes peines comme complice".

LA BONNE FOI
Application générale
La bonne foi, qui s'apprécie en la personne de l'auteur des propos, a un caractère justificatif tant à son égard qu'à celui du directeur de publication, mais non à l'égard du complice de droit commun (Crim., 19 février 2002, Bull. crim. 2002, n° 35, pourvoi n° 00-83.791).
Quatre critères doivent être réunis pour en bénéficier : la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, l'existence d'une enquête sérieuse, et la prudence ou la mesure dans l'expression.
Le mécanisme de la bonne foi, d'origine jurisprudentielle, s'est développé initialement dans l'hypothèse où l'exceptio veritatis n'était pas admise.
Au fil du temps, son domaine d'application est devenu plus général.
Le sommaire d'un arrêt rendu le 27 juin 1967 par la chambre criminelle (Crim., 27 juin 1967, Bull. crim. 1967, n° 193, pourvoi n° 66-93.979) précise à cet égard : "La preuve de la vérité du fait diffamatoire et la bonne foi constituent deux questions distinctes. En ce qui concerne la vérité de l'imputation diffamatoire, cette vérité n'est un fait justificatif que lorsque la preuve en est légalement rapportée devant le tribunal par le prévenu lui-même, lorsque celui-ci a été admis à faire cette preuve, selon la procédure prévue par l'article 55 de la loi sur la presse. En ce qui concerne la bonne foi, c'est encore au prévenu qu'il appartient de détruire, mais cette fois, selon les modes de preuve du droit commun, la présomption légale de mauvaise foi qui pèse sur lui".
Applications spécifiques
L'importance donnée à chaque attribut de la bonne foi peut varier selon la nature des sujets abordés.
En ce qui concerne quelques-uns des moyens de défense proposés aux juges du fond, il y a d'abord la satire politique. Sur ce point, la chambre criminelle estime que la satire politique cesse là où commencent les attaques personnelles (Crim.,16 décembre 1986, Bull. crim. 1986, n° 374, pourvoi n° 85-96.064 ; Crim., 20 octobre 1992, Bull. crim. 1992, n° 329, pourvoi n° 91-84.253).
S'agissant du débat politique, la chambre mixte, dans un arrêt du 24 novembre 2000 (Ch. mixte, 24 novembre 2000, Bull. 2000, Ch. mixte, n° 4, pourvoi n° 97-81.554), a décidé "qu'au regard des dispositions de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, la protection de la réputation d'un homme politique doit être conciliée avec la libre discussion de son aptitude à exercer les fonctions pour lesquelles il se présente au suffrage des électeurs. Par suite, l'intention d'éclairer ceux-ci sur le comportement d'un candidat est un fait justificatif de bonne foi, lorsque les imputations, exprimées dans le contexte d'un débat politique, concernent l'activité publique de la personne mise en cause, en dehors de toute attaque contre sa vie privée, et à condition que l'information n'ait pas été dénaturée".
A la différence de l'exceptio veritatis, la bonne foi peut être invoquée utilement devant les juridictions d'instruction (Crim., 12 juin 1987, Bull. crim. 1987, n° 247, pourvoi n° 86-90.410).
Il est nécessaire que les éléments invoqués soient antérieurs à la publication (Crim., 13 janvier 1987, Bull. crim. 1987, n° 16, pourvoi n° 85-93.987).

LA PROVOCATION EN MATIÈRE D'INJURE
Selon l'article 33 de la loi sur la presse, l'injure (publique) envers les particuliers, lorsqu'elle n'aura pas été précédée de provocations, sera punie d'une amende de 12 000 euros.
La provocation, qui agit comme une excuse absolutoire, n'est applicable qu'aux injures envers les particuliers (et non, par exemple, aux injures envers les fonctionnaires publics : Crim., 15 mars 2005, Bull. crim. 2005, n° 89, pourvoi n° 04-84.831).
Il faut que l'auteur de l'injure soit la victime même de la provocation, que le contenu de l'injure ait été en relation directe avec le contenu de la provocation et que cette provocation soit injustifiée.
L'injure n'est excusée que si elle est en relation directe avec le comportement du provocateur

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